Intervention de Maurice Leroy Député de Loir-et-Cher Président du conseil général
Mesdames, Messieurs, Chère Brigitte Rivoire,
C'est avec un profond plaisir et un grand honneur que je suis là aujourd'hui, avec vous, votre famille, vos amis et vos confrères, pour vous remettre les insignes de Chevalier dans l'Ordre des Arts et Lettres.
Je suis d'autant plus heureux que la culture est un domaine qui m'est particulièrement cher et je considère qu'il est essentiel à notre nation de distinguer parmi les siens, les hommes et les femmes qui contribuent à l'enrichissement culturel de nos concitoyens. L'Ordre des Arts et des Lettres a été institué le 2 mai 1957 pour récompenser "les personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu'elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde".
Cet ordre tire son prestige de deux éléments essentiels : d'une part de la qualité de ses membres, d'autre part de contingents annuels extrêmement réduits.
Mais parlons maintenant de vous, Chère Brigitte, Après de brillantes études de droit et de journalisme et quelques piges de novice dans des journaux tels que "Combat" ou "le Figaro", vous entrez en 1977 à FR3 Bordeaux. Un peu plus d'un an après, vous rejoigniez la rédaction d'Orléans que vous ne quitterez plus, pour le bonheur de tous.
Après plusieurs années au Journal de 19 h, vous devenez Grand reporter polyvalent. Vous tournerez des milliers de reportages et présenterez des centaines de magazines pour FR3. Tout le monde se souvient, d'ailleurs, de votre répartie, de vos fous-rires à l'antenne et de votre grande érudition, jamais pompeuse. Une notoriété féminine jamais égalée !
On m'a même rapporté qu'il fut un moment nécessaire de vous placer sous protection policière devant l'empressement croissant de certains téléspectateurs. Votre remarquable longévité au service du petit écran vous vaut de parcourir de long en large toute la région, chacun de ses territoires et plus précisément, chaque terroir. Il n'est pas une seule exposition en région qui n'a pas aperçu un jour ou l'autre votre célèbre chevelure blonde ! De même qu'il n'est pas un seul vendeur de chaussures de la région qui n'a pas un jour reçu votre visite afin de compléter votre spectaculaire collection !
Chère Brigitte, c'est au cœur de nos villes et campagnes que vous puisez cette envie de faire partager votre passion pour l'homme, ses savoir-faire et sa culture. Si votre professionnalisme est reconnu, bien au-delà du cadre de la région centre, votre sensibilité à l'égard d'autrui est sans égale. Elle apporte de la couleur et de la chaleur à chacun des sujets que vous traitez. Le regard curieux, attentif et cultivé que vous portez à l'artisan, au créateur, à l'artiste, se ressent fortement dans vos reportages. Pas besoin de sous-titrage, vous allez au cœur de l'humain pour nous faire partager votre émotion. Émotion que l'on ressent à chacune de nos rencontres. Vous êtes la générosité incarnée. L'amitié chez vous est inhérente, essentielle, indissoluble.
Ainsi, Chère Brigitte, vous avez grandement contribué à mettre en valeur les richesses de nos territoires et, en premier lieu, celles des hommes et des femmes qui y résident. Vous savez les rendre fiers de leur travail et de leur passion et vous savez transmettre ces petits morceaux de vies à tous vos téléspectateurs. En clair, vous aimez les gens et cela se ressent. Pas besoin de décodeur ni d'artifices pour nous faire partager votre plaisir ! Vous aimez aussi les animaux, à l'évidence. L'amitié caressante de chats, chiens, perruches et autres perroquets vous ayant même conduit à adopter, pendant quelques mois, un corbeau !
Je formule le vœu que longtemps, encore, vous nous ferez partager ces précieux moments de culture qui chaque fois nous honorent. Vous êtes d'ici, bien ancrée dans notre territoire, à la fois à l'écoute et écoutée. Pour saluer votre engagement, Madame la Ministre de la Culture vous a nommé chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres. J'ai l'immense honneur d'avoir aujourd'hui à vous remettre cette juste distinction. Elle exprime toute la reconnaissance que nous avons envers vous de porter haut les richesses de nos terroirs.
Brigitte Rivoire, au nom du ministre de la Culture, je vous fais chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres.
Maurice Leroy
Président du conseil Général du Loir et Cher
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Discours de Brigitte RIVOIRE
La Sologne, le Berry, la Beauce, la Touraine, l’Orléanais, le Blésois, l’Est de notre France, Je suis une fille de l’est!
Merci, mes amis, je suis comblée… Chevalier, Chevalière ? Chevalerie=institution féodale militaire et religieuse du Moyen Âge, dont les membres mettaient leur épée au service du Droit et de la défense des faibles…
Je n’ai pas d’épée, juste un opinel, un stylo et…le verbe. « Au commencement était le Verbe… »
Aujourd’hui, je pense à Joël Le Tac, « Dédé Lacaze », Pierre G de Bénouville etc…Michel Ménier, présent, déporté à 17 ans ! Ce sont eux les vrais chevaliers. Viens près de moi Michel, tu me donneras de la force… « vanitas vanitatum et omnia vanitas ». non, je ne me prends pas pour l’aigle de Meaux(JBB), rassurez-vous Mgr! Je cite seulement l’Ecclésiaste, le tout début..( Son Musée……réclamer aux politiques un musée d’Art Sacré !!!!!)
Cette distinction me fait plaisir, en effet. Mon professeur(re ?) de latin, une demoiselle, me disait: « Rivoire, si vous tournez bien, vous finirez écrivain. Si vous tournez mal, vous finirez à la Chambre, à la télé ou dans le ruisseau. » J’ai donc mal tourné. Pour l’instant…
Le plus brillant de la classe, ce n’était pas moi, c’était lui! N’est ce pas Docteur ? Horrible ! Jean-Marie raflait tout. Combien de colles ai-je évitées grâce à toi : Cicéron et « ses »cum…Il est honteux de faire son propre éloge, en doutant on atteint la vérité…Tu te souviens ?? j’en passe…
En ce temps là (j’ai l’impression d’être un fossile), on étudiait le latin dès la 6ème, le grec dès la 4ème et deux langues vivantes l’allemand et l’anglais , bien sûr, dans l’ordre. Enfants du « baby-boom » n’est-ce pas matricule 127 ? Nous avons été formés à la rude école de la scolastique et de la rhétorique, et, physiquement endurcis, il faut bien le dire, dans l’une des villes les plus glaciales de France. L’exercice physique(là, tu n’étais pas le meilleur !), l’ascèse et le travail. Dur, dur, quand on est interne depuis l’âge de six ans. C’est sûr, ce traitement subvertit les blocages et aboutit à une sévère perlaboration: le travail sur soi-même. C’est le régime du guerrier. Evidemment, vous l’avez compris, j’étais en classe avec des séminaristes et notre directeur était un jésuite. Un austère et rude personnage extrêmement brillant et redouté.
Alors, voyez-vous, une salle de rédaction avec une ou des meutes de journalistes, cela ne m’a guère changée. Le matin , on dit: « la messe » pour la « conf de rédaction »…Avec « le prieur » qui officie, le « DD » qui marque son territoire…Le DD, c’est Dominique Delhoume… Une rédaction ressemble quelque part un peu à un couvent: une vie collective forcée avec ses codes, ses rites et ses sycophantes. Une ambiance, un milieu très particulier, qui tiennent de la colonie de vacances, de la salle de garde et des dents de la mer dans un lavabo…
Voilà plus de 35 ans que je fais ce merveilleux métier. J’en suis à mon 13ème rédac chef dont 12 furent des mâles.
Une communauté, disais-je. Les nouveaux entrants sont souvent inconsciemment cooptés, parfois imposés et, dans ce cas, difficilement acceptés. La « news room », on n’arrête pas le progrès, il s’arrête bien tout seul (Alexandre Vialatte), la salle commune, cette chose inventée dans l’audiovisuel public par nos chefs, il y a plus d’une vingtaine d’années, pour faire « smart, in, branchouille » « c’est convivial, coco ! », en réalité pour mieux nous compter et nous contrôler, ressemble fort à une salle capitulaire, comme celle-ci.
Pas d’intimité, un brouhaha et des allers et retours permanents, une maison de verre où chacun sait tout sur tout le monde,et où il convient de toujours se justifier, batailler, négocier pour effectuer son travail, tout simplement. En tenant compte des prés carrés, des appétits frustrés et des yeux jaunes d’envie quand le résultat fait mouche. L’obligation de résultat. Notre seul impératif. La conférence critique, instaurée et jamais pérennisée (ouf !)fut souvent une curée rarement positive et constructive. IL NE FAUT JAMAIS EN VOULOIR AUX AUTRES DES ILLUSIONS QUE L’ON SE FAIT SUR EUX :ça c’est de moi…Pouvez vérifier…
Dans « la clôture », donc, agoraphobes s’abstenir ! une règle : ne jamais montrer son émoi, que l’on soit encensé ou déchiré à pleines dents selon l’humeur du prieur ou de ses sycophantes. En région, il existe encore le « complexe » de Paris. D’autant que nous sommes PIC : une aberration… Une conservatrice Berrichonne, horrifiée de constater en quelle estime nous étions tenus, analysait dernièrement notre statut en nous « qualifiant de soutiers de l’information ».
Je l’ai pris pour un compliment. Les soutiers avaient en charge d’alimenter en charbon les chaufferies d’un navire, c’est bien ce que nous faisons. Nous allons au charbon. Combien de carrières ont « décollé » grâce à nous, créateurs en tous genres, hommes politiques et même vins régionaux, un temps ignorés de tous. Eh bien, tant mieux !
Nous sommes des « soutiers » très encadrés par des « encadrants » qui se multiplient à la vitesse Grand V. Une véritable éclosion§
Moi, matricule 36245 dans la carte de presse, j’ai présenté le JT pendant ¼ de siècle et il me souvient d’un petit homme qui, croyant me « punir » lorsqu’il estimait que je n’avais pas été assez obéissante, surtout pour diffuser sa bonne parole, biffait rageusement mon nom du planning en manière de représailles jusqu’à ce que je rentre dans le rang, ce que je refusais, comme de juste. Il écumait et claquait les portes et me remettait au planning. C’était rigolo.
Ou d’un autre, Grand Directeur celui-là, qui me disait avec onction que les choses pourraient s’arranger « si j’étais gentille ». Le malheureux ! Et non !
Les femmes ne font plus dans la dentelle, Messieurs, elles font leur travail qui tient de plus en plus de la mécanique de précision mais avancent cuirassées, auto-blindées dans le film de la vie. Travailler est moins ennuyeux que s’amuser n’est ce pas? Vous le pratiquez depuis longtemps. Alors que les carrières des garçons décollent très vite, une fois qu’ils sont dans la place, les filles piétinent encore. Sont incriminés point d’interrogation? A votre avis ? : le sexisme ambiant ? le comportement des patrons et l’attitude ambivalente des patronnes ? celles qui savonnent la planche des débutantes ? Voire ! Aujourd’hui, une seule femme est Directeur Régional à France 3.Une.
J’ai cru, comme mes petites camarades, confiantes et naïves, que l’ère du « girl power » à l’américaine était arrivée. Quand on vient du peuple, que l’on a fait des études et toujours travaillé et que, ni à la maison, ni à l’école, ni à la fac, la question du genre ne s’est jamais posée, eh ! bien on a cru, quarante ans et plus après les vraies pionnières, que toutes les portes s’ouvriraient .Que nenni ! Et puis, on a une âme seulement depuis le concile de trente et le droit de vote… Le cocon égalitaire de nos chères études nous ont fait négliger certaines qualités nécessaires à la « struggle for life ».
Les femmes d’aujourd'hui ont encore trop de qualités féminines et trop de sensibilité. Elles ne savent pas négocier, ne sont pas assez sûres d’elles, n’osent pas demander l’augmentation qu’elles méritent, sont trop perfectionnistes, n’ont toujours pas compris l’utilité des réseaux pros, toutes choses que les hommes utilisent naturellement. Nous sommes vulnérables. Pour percer le plafond de verre, pour que ça marche, il faut se blinder contre la dureté, une réalité quotidienne dans tous les métiers. Tout cela n’est pas nouveau mais pas réjouissant non plus.
Quand je suis entrée à FR3 il y a 30 ans-on disait même « la régionale », à l’époque, « on » plaçait une femme journaliste par région. Nous étions l’alibi pour montrer en dehors de « la clôture », combien le service public était en avance. VITRINE ! Tant que nous ne marchions pas sur les plates bandes des confrères, leur os, (je l’ai entendu pas plus tard que la semaine dernière en rédaction) tout allait/va bien. Mais si nous étions/sommes meilleures, c’était/c’est encore la guerre. Aujourd’hui nettement plus sournoise, larvée, venimeuse. avec des coups bas. Si vis pacem para bellum…
Ce sont les mêmes aujourd’hui, qui s’arrogent le droit de supprimer un créneau, chèrement conquis, une rubrique culturelle- pas chronique DD : chronique=chronos=le temps =réservé à la politique et aux sports, en aucun cas culturelle. Pas de jargon mais du langage. Enfin. Ce sont eux, disais-je qui décident, manipulent, tranchent, sabrent, en se réservant les émissions, chroniques valorisantes. Fondamentalement, rien n’a changé.
Et pourtant, « penta rè » tout change, tout bouge, paraît-il? Ah ! pas tout ! Votre «chevalière», mesdames et messieurs les créateurs, peintres, sculpteurs, céramistes de grand feu, écrivains surtout ! est aujourd’hui « marbrée », figée, au frigidaire ! Et vous avec !
Savez-vous ce que signifie « marbré » dans notre jargon? Un reportage en réserve d’une actualité ô combien brûlante sans tenir compte de la date de péremption…Sympa pour les intéressés qui attendent et les téléspectateurs? Ils s’en moquent alors qu’on nous rebat les oreilles avec la fidélisation et l’audience. (comptez pour vous amuser les sujets jugés bien saignants rediffusés reformatés et rewrités dans les différentes éditions.) L’actualité culturelle n’est pas considérée comme une vraie « actu ». Au mieux un palliatif. Pire un bouche-trou quand un brûlant sujet capote. (Y a pas un « ben-hur qui traîne dans Mona Lisa ?) Mona, c’est le système informatique…Pauvre Léonard !
On préfère l’hémoglobine, les bons vieux faits divers bien croustillants, les faucheurs d’ogm, les procès crapoteux, les engueulades politiques, les fermetures de boîte surtout quand ça crâme bien, ça « c’est bon, ça ! » surtout quand ça hurle. C’est audio- et -visuel ! circenses! Le reste, bof !. Papier ruban.
Quand on a fait une large exérèse de ma rubrique -pas ma chronique- l’explication fut succulente : prétexte économique=imparable et le plus joli : « un tel, tu comprends, on « la » lui laisse, on ne sait pas quoi en faire!!! En moins bien dit. Ce n’est pas plutôt qu’il sait, « untel », s’entourer de bons avocats?
Rassurez-vous, j’ai dépassé le stade de l’ego malmené, pire, je m’amuse .
J’apprends. On reste apprenti toute sa vie….
Il n’y a «que deux tragédies dans la vie, l’une est de ne pas avoir ce que l’on désire ; l’autre est de l’obtenir ». George Bernard Shaw l’a vécu. Et il a raison.
JE CROIS encore plus aux choses qui nous engagent physiquement et intellectuellement. JE CROISs à l’Art. Il faut utiliser tout le pouvoir que l’on a pour communiquer, pour faire tomber les barrières ; et, pour faire tomber les barrières, il faut creuser. Jusqu’au cœur; Jusqu’à l’essence. André Malraux avait coutume de dire que « le monde de l’Art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort. » Il parlait, me semble-t-il du Mystère. L’art ne révélera jamais tous ses secrets parce qu’ils touchent à l’indicible.
Peindre, sculpter, bâtir, édifier, façonner, ciseler, écrire participent à un rite, bien plus ancien que les églises. Il consiste à vaincre le chaos, opposer la lumière aux ténèbres, découvrir le Sens. Plonger aux racines mêmes de notre civilisation pour en revivre la marche, le mouvement, les méandres, les évolutions, l’énigme. La création est une éternelle interrogation, celle des hommes.
Au fond, c’est cela Vivre : affronter ses peurs, vaincre la peur, devenir les auteurs de notre vie. Telle une oeuvre d’art, nous devons d’abord la vouloir puis l’imaginer, la penser, la réaliser, la modeler, la sculpter et, cela, à travers les événements qui surviennent sans que y puissions rien. Passer de la survie à la vie, une des choses les plus difficiles qui soient. Devenir les créateurs de notre vie. Je sais de quoi je parle. Nous préférons vivre comme des brebis, sans trop réfléchir, sans trop prendre de risques, sans trop aller vers nos rêves les plus profonds qui sont pourtant nos meilleures raisons de vivre.
Sommes nous vivants? C’est la seule question qui vaille. L’apocalypse, les apocalypses n’existent pas –même pour la bonne vieille télé en pleine mutation et dont tous guettent les derniers soubresauts numériques. A nous de proposer des contenus à véritable valeur ajoutée ; on ne peut pas passer sa vie sur « you tube » D’abord, APOCALYSE signifie: REVELATION. L’art, mes amis créateurs, c’est «l’éros» de l’amour, «la philia» de l’amitié et «l’agapè du don de soi».
Voilà Ce que je crois et CE pour quoi je continue encore et encore. Votre « chevalière », que vous honorez aujourd’hui restera jusqu’au bout une courroie de transmission, un relais, une «soutière» de l’information culturelle. Fière de l’être! Droite dans ses bottes ou plutôt sur ses stylettos !!
Libre!
Pour vous servir, sans asservir et ne pas se servir.
Ce serait bien, tiens une rubrique «plumes/images» pour les écrivains et les poètes, non ?? Les grands délaissés…
Merci, je vous aime.
Et in Arcadia ego.
Et, en patois, pour « mon Allobroge » de papa : Quand tié bon yé preu= Quand c’est bon c’est assez et/ou c’est tassé…J’en ai assez dit!
Brigitte Rivoire
Grand reporter à France 3
La dernière mise à jour de cette page date du
23 juin 2024 16:28